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que Boyer avait indue sur la résolution du président, ainsi qu’on l’a cru assez généralement alors, parce qu’il est probable que Boyer en aura témoigné sa satisfaction[1]. Ordinairement, quand des hommes de mérite sont en rivalité politique, le succès de l’un fait souvent prendre à l’autre des déterminations extrêmes, par l’amour-propre froissé de ce succès de son adversaire : or, la révocation de Bonnet devenait un succès pour Boyer ; ce général de haute capacité perdait là une belle position.

Quelle que fût la cause réelle de la défection de Bonnet et de Lys, ils ne pouvaient pas mieux faire pour favoriser l’ardente ambition de Boyer, ainsi qu’on le verra par la suite : désormais, il restait seul auprès de Pétion, et il sut fort bien tirer parti de sa position, à l’exclusion de tous autres.

En recherchant les causes diverses des faits, des événemens de notre histoire nationale, nous n’aspirons nous-même qu’à faire ressortir la vérité qui enseigne ; elle seule est l’idole à laquelle nous sacrifions, même lorsque nous parlons de Pétion et de ses actes.

Aussitôt le départ des deux généraux, il expédia aux Cayes un officier de son état-major nommé Joseph Legardeur, homme du Sud, porteur de dépêches pour le général Rigaud, afin de lui demander les causes des mouvemens populaires qui se passaient dans ce département ; et probablement pour s’enquérir particulièrement si les autorités militaires les secondaient franchement, pour causer avec les hommes qui lui étaient dévoués dans cette partie. Joseph rencontra en route les deux généraux qui

  1. On verra dans un autre chapitre, deux lettres de Boyer à Pétion, qui, en motivant un jugement sévère à son égard, prouveront que le président ne se laissait pas influenrer par lui.