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Admettons que s’il est vrai, comme tout porte à le croire, que l’Empereur Napoléon lui donna la mission dont nous avons parlé, et qu’en lui promettant d’essayer de la remplir, Rigaud le trompait et n’avait d’autre but que d’échapper de ses mains. Admettons encore que rien de tout cela n’a existé entre eux ; mais en rompant l’unité, l’indivisibilité de la République, en l’affaiblissant ainsi, Rigaud ne faisait-il pas les affaires de la France, par la désunion qu’il mettait dans les esprits, par la haine qui pouvait s’ensuivre entre les cœurs ![1]

Il est à remarquer, puisque l’histoire doit tout dire, tout avouer pour l’enseignement des nations, que dans la séparation du Sud, dans sa scission avec l’Ouest, les citoyens hommes de couleur furent en grande majorité dans les idées et les principes de ce général en chef, — tandis qu’au contraire, les citoyens hommes noirs furent en grande majorité pour le maintien de l’autorité du Président d’Haïti ; et, par là, nous entendons les hommes possédant des lumières. La passion, le patriotisme égaré, étaient du côté des premiers ; — la raison, le patriotisme éclairé, du côté des derniers. Dans tout le Sud, aux Cayes particulièrement, l’union entre eux avait toujours été fondée sur une estime réciproque, sur tous les sentimens et toutes les raisons qui doivent toujours en faire un peuple de frères, et tous l’avaient prouvé en octobre 1806. Mais, à partir de novembre 1810, des inimitiés naquirent entre un grand nombre de ces citoyens, et elles peuvent encore servir de filiation pour expliquer des événemens survenus postérieurement et jusqu’à nos jours.

  1. En 1810 et longtemps après, la France était-elle disposée à renoncer à Saint-Domingue ? N’était-ce pas, de la part de Rigaud, renouveler le résultat de la mission d’Hédouville ?