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Il est temps, général président, que vous vous montriez aussi grand et aussi ferme que vous avez été jusqu’ici bon et humain. Donnez l’exemple, en faisant mettre de l’ordre dans l’administration et la discipline parmi les troupes qui vous entourent au Port-au-Prince, si vous voulez que les autres quartiers de la colonie s’y soumettent ; car à quoi serviraient la bonne morale et les bons préceptes, sans les bons exemples ?

Qu’un assassin, qu’un perturbateur du repos public, qui sollicite votre indulgence, soit par vous repoussé et livré à toutes les rigueurs des lois : par ce moyen, les crimes seront moins fréquens, les criminels moins audacieux, et par conséquent les honnêtes gens plus en sûreté…

Chargé par vous, de la pacification de la Grande-Anse, je vous promets que je ne négligerai rien pour y parvenir… Dès ce jour, mon cher président, je me bornerai à faire exécuter, autant qu’il me sera possible, les ordres que vous m’envoyez. Je m’abstiendrai de tous conseils, avis ou plans quelconques, comme très-inutiles pour le moment. Vous louerez sans doute ma franchise, général président ; elle tient à mon caractère, et je la dépose dans le sein d’un ancien ami, parce que je m’intéresse sincèrement à sa gloire et à sa réputation.

Je vous prie d’agréer mes sentimens respectueux d’attachement et de parfaite considération.

Signé : A. Rigaud.

Ces deux lettres, du 30 juillet et du 4 septembre, sont très-importantes pour faire juger de la conduite de Rigaud. Dans la première, on le voit entièrement sous l’influence des idées de Blanchet, qu’il envoya auprès de Pétion pour faire accepter ce qu’il appelle son plan[1] dans la seconde, il explique ce plan, qui consistait principalement à mettre de l’ordre dans l’administration de la République, ensuite, à organiser l’armée. Ce dernier

  1. Dans ce système de répression sévère, il était entendu néanmoins que le gouvernement serait fort indulgent pour certains individus : on voit dans ce paragraphe une allusion à l’affaire de Michel. Fallait-il donc aussi faire périr Bergerac Trichet et Thomas Durocher ? Et si Pétion avait recherché, pour les punir, les vrais auteurs de l’assassinat du Cabaret-Carde !