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nable ; mais, puisque rien ne vous paraît propre à être adopté, surtout pour la circonstance présente, il me reste le regret de ne pouvoir coopérer à vous porter à quelques changemens que je croyais nécessaires et indispensables.

Il est certain qu’un conseil, composé de plusieurs personnes expérimentées, doit voir mieux qu’une seule qui a perdu de vue les affaires du pays depuis plusieurs années[1].

Je vous avoue franchement, mon cher président, que les divers systèmes qu’on a établis ici, par la corruption, l’ambition et la cupidité, que le gouvernement n’a pas pu ou n’a pas voulu réprimer, rend ce pays insoutenable pour tous les hommes qui ont des principes et des mœurs : cependant il faut y vivre et y périr, puisqu’il n’y a point de ressources, point de salut dans d’autres climats.

Des malveillans empêchent ou éloignent du moins la pacification de cette partie de la colonie…

Vous convenez, général président, que le Môle est perdu sans ressources, et ce, faute de munitions. Je ne vous dirai point quels étaient les moyens à prendre dans le temps, pour que cette place ne manquât pas de cet objet important[2] : je ne dirai point non plus comment on aurait pu faire pour transporter une infinité de fusils qui y sont inutiles et qui nous seraient bien nécessaires, puisque nos bàtimens y ont été dernièrement et en sont revenus. Je sais que par une fatalité attachée à notre mauvais génie, vos ordres ne sont point exécutés et que vous n’êtes nullement secondé.

Vous avez pourtant, général président, de bons officiers généraux, de bons citoyens, sincèrement attachés au pays, qui auraient pu vous seconder, si vous les appeliez auprès de vous. Qu’attendez-vous donc pour le faire ? Que le mal soit sans remède[3] ? Il vous reste encore beaucoup de ressources ; élevez-vous à la hauteur qu’il convient ; osez prendre le parti que les circonstances exigent, et vous sauverez votre pays et vos compatriotes.

Un conseil bien choisi, composé d’hommes intègres, amis du pays, vous donnera des avis salutaires, et vous fera sentir la nécessité de prendre des mesures vigoureuses.

  1. Aveu remarquable !
  2. Et lui, Rigaud, avait-il pourvu la place de Jacmel de provisions alimentaires, pour y empêcher la famine ? Avait-il fait assez d’efforts pour la secourir militairement ? Il oubliait tous ces reproches qui lui furent adressés à cette époque.
  3. Tous les généraux étaient employés ; les citoyens, c’étaient Blanchet, etc., etc.