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sans qu’il effectuât sa promesse. Il était naturellement si farouche, qu’après l’affaire des Abricots où il faillit être pris, lorsqu’on le vit consentir à cette entrevue, on avait espéré qu’il déposerait les armes ; cette espérance déçue fit croire à une intrigue qui l’en aura détourné. Les opposans allèrent même jusqu’à accuser Pétion d’en être l’auteur, pour ravir à Rigaud la gloire de la pacification des quartiers en révolte. D’autres factieux ont dit ensuite, qu’il entrait dans sa politique, de laisser subsister l’insurrection afin de contenir le département du Sud, de même qu’ils ont prétendu qu’il avait sacrifié l’armée du Môle, par rapport à Lamarre qu’il redoutait. Ces absurdités se réfutent assez d’elles-mêmes, en présence des faits. Quant à Goman, il est présumable que ses habitudes des bois et le rang qu’il tenait parmi les révoltés, l’auront seuls porté à manquer à sa promesse ; il devait sentir qu’en se soumettant, il serait réduit à une nullité complète[1].

Quoi qu’il en soit, le 30 juillet, Rigaud répondit à la dépêche du président qui lui annonçait la mort de Lamarre ; il exprima la douleur qu’il éprouvait de ce fâcheux événement. « Je suis pénétré comme vous, mon cher président, de la nécessité de faire tous les efforts possibles pour dégager la garnison du Môle du danger où elle se trouve. Malheureusement, les choses ne vont pas aussi vite que je le désirerais ; cela va lentement, mais cela va toujours. Il faut du temps et de la persévérance pour consolider une tentative aussi délicate (celle relative à Goman), et ce serait tout gâter si on voulait

  1. Le colonel Borgella assistait Rigaud dans l’entrevue. Rigaud ayant demandé à Goman s’il le connaissait, il répondit dans son langage : « Je le connais si bien, que je puis dire, que si tous les mulâtres lui ressemblaient, il n’y aurait jamais de guerre parmi nous. » Il suffit de cette réponse, pour ne pas croire à la prétendue intrigue qui l’aura détourné de toute soumission, et surtout pour ne pas attribuer cette basse intrigue à Pétion.