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général comme une mystification[1]. Dès que Rigaud se fut rendu à Jérémie, pour diriger les opérations contre les insurgés de la Grande-Anse, il s’y rendit aussi afin de s’emparer de son esprit.

Nous ne pouvons citer que peu de lettres de Rigaud à Pétion, durant sa mission militaire et même politique ; car il s’agissait de mettre fin à l’insurrection, autant par des mesures de sagesse gouvernementale que par la force des armes. Dans celle qu’il lui écrivit le 17 juin, il lui disait des insurgés : « Je tâche de les ramener en partie par les voies de douceur et de persuasion… »

En effet, il essaya de persuader Goman de se soumettre à la République. Ce chef de révoltés avait été du nombre des 700 noirs auxquels Rigaud avait donné la liberté, en septembre 1792 : ce qui motiva la qualification de parrain qu’il donnait à ce général, et l’attachement qu’il montra à sa cause perdue, en 1800, en se tenant dans les bois durant toute l’administration de Toussaint Louverture. Se ressouvenant de ces circonstances, il se prêta à une entrevue avec Rigaud, qui eut lieu dans le courant du mois de juillet, sur l’habitation Favier, située dans le canton de la Voldrogue. Nul autre que Rigaud ne pouvait obtenir cela de Goman ; mais il ne fît que promettre, pendant l’entrevue, de réunir son monde et de venir bientôt à Jérémie faire sa soumission, sous la condition de conserver son grade de général et de garantir ceux de ses officiers ; ce à quoi Rigaud consentit. Des semaines se passèrent,

  1. Dans une discussion qui eut lieu entre Blanchet et Pétion, sur une matière de gouvernement que je ne puis préciser, le premier cita l’autorité d’un principe de l’Esprit des lois par Montesquieu. Pétion répliqua : « Oui, Montesquieu a écrit cela dans son cabinet ; mais s’il était chef d’un gouvernement, il eût agi autrement. » Blanchet répartit alors : « Mais, président, Montesquieu n’était pas une f… bête. » On prétend que cejour-la, il avait la tête chargée.