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des difficultés qu’il rencontre en voulant remplir son devoir, et que souvent elle est la première à faire naître ; elle n’a toujours qu’une maxime à la bouche, et c’est celle-ci : « Le gouvernement doit réussir. » En général, les hommes rendent, pour ainsi dire, un culte au succès ; ils méconnaissent les intentions[1]. Aussi, sont-ils souvent cause des mauvais gouvernemens, ou plutôt de l’oppression qu’ils subissent de la part de détestables gouvernails ; ceux-ci, fatigués à la fin de l’opposition qu’ils rencontrent, emploient la force et la violence, qui font ordinairement bon marché de tous ces épilogueurs de leur conduite.

On a vu comment le général Gérin blâma constamment celle de Pétion, dès la révolution de 1806, pour aboutir enfin à la conspiration où il succomba. Après avoir marché d’accord avec Pétion, des membres du sénat vinrent ensuite à se constituer opposans à son système politique, et finirent par établir dans le sein de ce corps une faction qui fut cause de son ajournement. Effrayés des tendances despotiques de Gérin, ils ne pouvaient pas s’unir à lui ; mais Rigaud fut le chef qui leur parut propre à réaliser leurs vues : l’accueil qu’il reçut des populations et de Pétion lui-même, la position militaire que lui fit le président, furent exploités dans ce but. Son caractère personnel, ses anciens services, les confidences qu’il reçut dès son arrivée, tout devait lui donner cette présomption qu’il eut d’être appelé à jouer le rôle auquel on le conviait. Il n’avait pas assez de jugement pour apprécier sainement la situation nouvelle du pays, et reconnaître que, s’il fut pendant longtemps le

  1. Il s’agit ici des bonnes intentions ; car ceux qui les méconnaissent, dans leur aveugle amour pour le succès, font presque toujours l’éloge de la perversité qui réussit.