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Dans cette pensée, qu’il communiqua à ses compagnons du fort Lamarre, qui l’approuvèrent, la nuit du 24 au 25 septembre étant venue, Toussaint lui-même, suivi de quelques hommes qui apportaient les insignes militaires qu’il y avait, descendit dans la mer et se rendit au fort Vallière. Là, il fut également approuvé par les braves qu’il y trouva ; on y réunit les drapeaux des corps d’infanterie, les guidons de la cavalerie, les cannes de tambours majors et les instrumens de musique, et on les plaça à bord de la barge. Alain, qui avait commandé la place du Môle, fut choisi pour remplir cette honorable mission. Au moment de son départ, Toussaint le chargea de dire à Pétion, que leurs derniers cris comme leurs sentimens seraient en faveur de la liberté et de la République, et il lui fît promettre de jeter ces insignes à la mer, si le sort le faisait tomber au pouvoir d’un bâtiment ennemi. Le sort se plut à favoriser Alain, qui arriva au Port-au-Prince avec son précieux dépôt.

Les fastes militaires de toutes les nations, présentent peu d’exemples d’un semblable dévouement à l’honneur de sa profession.

Le 28 septembre, le général Romain fît attaquer le fort Lamarre, où Toussaint était revenu après le départ d’Alain. Décidé à périr glorieusement, Toussaint ne voulut pas le défendre ; mais, haranguant sa faible garnison, il sortit du fort à sa tête et se fraya un passage au milieu des troupes qu’il avait si souvent fait fuir. Arrivé au fort Vallière, il en fît sortir aussi la garnison, abandonnant tous ses blessés aux vainqueurs. Se dirigeant sur le poste du Cap-à-Foux, selon qu’il l’avait déjà résolu, il combattit encore pour y arriver. Là, tout le reste de la garnison du Môle se trouvait réuni : ces infortunés