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pris et pendus à notre vue. Cet inhumain (Christophe) devient de jour en jour plus féroce. Enfin, citoyen président, nous sommes au nec plus ultra.  »

C’est la dernière lettre que nous avons à citer de Lamarre. Nous avons souvent préféré sa propre correspondance, à une relation qui eût été dépourvue de l’expression de ses sentimens, de ses vues militaires, de ce mâle courage qui l’animait : par là, le héros n’apparaît que mieux à l’admiration de la postérité. On voit qu’il ne se dissimulait point, ni sa position désespérée, ni l’importance du Môle pour garantir la République d’une invasion de Christophe ; et tout en demandant plusieurs fois qu’on l’abandonnât, il était plus préoccupé du sort de ses soldats que du sien propre : pour lui, le sacrifice de sa vie était résolu avec une abnégation sublime.

Mais, comment faire évacuer en même temps toute cette troupe, en présence de la flotte du Nord, égale déjà à la nôtre et accrue d’une frégate qui lui donna la supériorité ? L’impossibilité d’une telle entreprise était évidente. Pétion avait voulu maintenir le Môle, par l’espoir qu’il nourrissait, dès le mois de février, d’avoir deux frégates et une corvette, des États-Unis et d’Angleterre ; mais au lieu de cela, ce fut Christophe que les Anglais favorisèrent, en lui vendant une ancienne frégate française qu’ils avaient capturée[1] : ils ne donnèrent que deux brigs à Pétion, et les Américains n’envoyèrent point la frégate qu’ils avaient promise[2]. Dès-lors, le Môle devait succomber sous le rude siège qu’il essuyait, et par l’impos-

  1. Elle se nommait la Constitution : Christophe lui donna le nom de sa fille aînée qui s’appelait Améthyste.
  2. Pétion ne reçut une frégate des États-Unis, qu’en 1815 : elle fut appelée l’Abolition de la Traite.