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mouiller à la pointe de la Presqu’île, sous la protection de nos forts existant là. Déjà, l’ennemi avait construit une batterie sur la position appelée Morne-à-Cabrits, qui domine le Môle. On conçoit alors que l’énorme quantité de projectiles qui étaient lancés chaque jour dans la place, occasionnait des pertes en hommes tués ou blessés et diminuait ainsi chaque jour le nombre de ses défenseurs ; et les munitions se consommaient rapidement.

Par cette même lettre, Lamarre annonçait qu’il envoyait au Port-au-Prince un certain nombre de blessés, en demandant de la poudre. Il ajouta : « Cherchez tous les moyens de nous en faire parvenir. S’il était possible de nous dégager de cette position, vous seriez chéri, président, des soldats qui n’ont l’œil que sur vous. Je me rassure donc sur vos soins ; et croyez que vous avez en moi, un officier qui périrait de mille morts plutôt que de voir triompher le tyran. »

Deux jours après, il écrivit encore qu’il avait dû recourir à Panayoty, pour avoir de la poudre ; qu’une batterie de 24 dirigée contre la maison qu’il occupait près du fort Georges, l’avait réduite en décombres, et que, pendant une nuit, un boulet tombé au pied de son lit, en brisant le mur, lui avait fait des blessures à la tête et au bras. « Oui, président, il faudrait des peintures nouvelles pour vous donner une idée de la position de tant de braves soldats qui sont autant de héros. Leurs frères pendus à leurs yeux, leur compagnons d’armes morts à leur côté, ce sont des spectacles qui m’attendrissent et arracheraient des larmes au plus barbare des hommes… Le citoyen Dupré vous dira la vérité ; écoutez-le.[1]

  1. Dupré, qui chanta l’héroïsme de Lamarre et de sa brave troupe, s’était rendu volontairement au Môle pour tout voir par ses yeux. C’est la qu’il s’inspira pour ses poésies, pour le