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Lagarde avait réussi à faire passer à la révolte tout le corps des Eclaireurs et bien des cultivateurs déjà soumis[1]. La force des révoltés se trouvait augmentée par l’accession nouvelle de cet homme d’action et influent : il fallait donc de plus grands moyens de répression. Le président confia au général de division Rigaud la mission de diriger les forces employées dans la Grande-Anse : il voulut qu’il eût l’honneur de tenter au moins la pacification de son département natal. Il envoya même sous ses ordres le général Métellus, avec un fort détachement des 21e et 24e demi-brigades. Métellus avait revu son ancien général avec autant de plaisir qu’aucun autre citoyen[2].

Le 5 juin, Rigaud émit une proclamation datée des Cayes, pour entrer en campagne. On y remarque ce passage : « Bientôt les révoltés apprendront que la clémence du président à leur égard, jusqu’à ce jour, n’est ni crainte ni faiblesse ; il voulait les ramener à leur devoir par la douceur, et leur donner le temps de réfléchir sur l’abîme qu’ils creusaient sous leurs pieds… Une armée considérable va se mettre en campagne, et ne sera dissoute qu’après avoir soumis les révoltés par la persuasion ou par la force. Telles sont les intentions du président, et telle est ma résolution… »

Rigaud avait nécessairement le commandement en chef des forces du Sud : aussitôt les factieux le qualifièrent de général en chef, pour le désigner comme le

  1. Le 16 avril, Maurice Duverger, âgé de 26 ans, lieutenant de grenadiers dans la 15e, étant campé sur l’habitation Charamel avec 8 soldats de sa compagnie, combattit contre une nuée d’insurgés commandés par J.-B. Lagarde. Ils ne purent le vaincre, qu’en mettant le feu à la maison où il s’était renfermé avec ses grenadiers. Duverger reçut successivement 5 balles avant de mourir. Un seul de ces braves soldats réussit à s’échapper, avec 16 paquets de cartouches ; il se nommait Zamor Gradis. Borgella l’éleva au grade de sergent.
  2. Le 3 juin, Métellus écrivit de Corail à Pétion : dès le 23 mai, il avait marché contre les révoltés.