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ment pour elle, tandis que je lui avais représenté Pétion, comme le machinateur de la défection des troupes coloniales au Haut-du-Cap[1]. »

Ces particularités corroborent ce que Pétion apprit par l’avis officieux de Lord Seymour. Un tel avis, dans les circonstances où était la République à l’arrivée de Rigaud, dut être mûrement pesé et apprécié par cet esprit froid qui avait si bien observé son ancien général, qui le connaissait pour un homme agissant plus par sentiment chevaleresque que par méditation et raisonnement : de là sera sorti aussi l’arrêté du 1er mai, qui supprima la charge de secrétaire d’État, pour pouvoir révoquer Bonnet, alors qu’il y avait d’autres motifs pour lui retirer les rênes de l’administration. Nous osons croire que nos conjectures ne sont pas dénuées de bon sens.

À cette époque, on a dit, on a cru que Boyer avait exercé une grande influence sur la résolution du président, par sa mésintelligence avec Bonnet, par l’ardeur de son ambition personnelle, qui le portaient à écarter ce redoutable concurrent, comme tous autres, dans la succession future de la présidence[2]. Mais, pour ajouter foi à une telle supposition, il faut qu’on n’ait pas observé le caractère de Pétion, méditant toujours avec calme et

  1. À son retour de France, en 1826, Frémont, l’ancien ami de mon père, qui m’accorda aussi son amitié dont je m’honore, me raconta sa conversation avec le général Pamphile de Lacroix, qui s’est gardé de parler de cela dans ses Mémoires, à l’occasion du retour de Rigaud. Il y dit d’ailleurs, avoir fourni des notes au Premier Consul, le 7 novembre 1803, sur l’expédition et sur les officiers noirs et mulâtres ; et par l’a, on s’explique pourquoi l’Empereur voulut causer avec lui.
  2. En 1811, j’entendis le général Lamothe Aigron dire ces choses à mon pore, avec qui il passa une soirée : j’ai toujours retenu dans ma mémoire qu’il ajouta, à propos de Boyer : « Songez à ce que je vous dis, et vous verrez que ce petit homme succédera au président : il a su écarter tous ceux qui auraient pu y prétendre. » Alors, Bonnet, Lys, etc., étaient dans le Sud, en scission avec l’Ouest ; et Boyer était général de division, commandant de la garde et de l’arrondissement du Port-au-Prince.