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par son caractère obstiné que parce qu’il comptait sur la prompte arrivée de Bergerac Trichet, de Thomas Durocher et des Éclaireurs. Il fut même assez téméraire, comme toujours, pour faire sortir de ses remparts la compagnie de grenadiers qu’il avait, en voyant que le général B. Leblanc faisait avancer ses troupes pour cerner sa maison. Il ordonna à Toureaux d’attaquer, peut-être avec un dernier espoir que la 16e, loin de riposter, se ressouviendrait qu’il avait été son colonel et ne voudrait passe battre contre ces grenadiers du même corps.

Le combat s’engagea cependant, et ces derniers furent mis en déroute, à la première décharge où périt le capitaine Toureaux. Quoique Gérin se fût placé à découvert sur le mur de sa maison, armé de ses pistolets, pour exciter ses grenadiers de la voix et du geste, on ne tira point sur lui, par ordre de B. Leblanc. Mais se voyant sur le point d’être fait prisonnier, il se fit sauter la cervelle. Ce fut le 18 janvier. La troupe ayant envahi tumultueusement sa maison, un sapeur trancha la tête de cet infortuné général, mais sans l’aveu du général B. Leblanc.[1]

Telle fut la fin malheureuse de Gérin qui, moins de quatre ans auparavant, avait harangué cette même 16e demi-brigade pour la conduire au Pont-Rouge ! Exemple frappant des vicissitudes politiques ! Lorsqu’un homme

  1. Gérin avait deux sœurs aînées, femmes noires de la plus grande respectabilité, nommées Catherine et Sannite ; il chérissait ses sœurs autant qu’elles l’adoraient, on peut se servir de cette expression. Catherine eut le courage de coudre la tête de son infortuné frère au cou ; elle imbiba son mouchoir blanc de son sang et le conserva toute sa vie, en portant constamment le deuil. Habitant le Port-au-Prince, elle ne cacha à personne sa haine ou plutôt sa rancune contre Pétion, qui le savait et la respecta toujours. Le 20 mars 1818, en apprenant la mort de Pétion, elle se rendit à l’église ; et la, elle mêla ses larmes à celles du peuple, ne pouvant comprendre, dit-elle à ma mère qui était son amie, la profonde sensibilité qu’elle éprouvait. La divine Religion avait versé ses grâces dans son bon cœur.