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dernier avait en lui la plus grande confiance, et qu’il y répondait avec franchise. Pétion aimait Lys et David Troy, et il les estimait pour leurs qualités.[1]

Il aimait également Boyer qui avait toujours été attaché à sa personne, qui faisait sa correspondance la plus importante, qui était en même temps le chef de son état-major et le colonel de sa garde. Cette position mettait Boyer nécessairement dans l’intimité particulière du président. Depuis la révolution de 1806, ce dernier n’ayant cessé d’influer sur les affaires publiques, Boyer, par son intelligence, son instruction, sa facilité d’élocution, n’avait fait que grandir dans la société de cette époque ; et avec le sentiment, la conscience de ce qu’il pouvait devenir dans l’Etat par la suite, il était fort naturel qu’il eût de cette ambition qu’il est permis à tout homme de quelque capacité de concevoir ou de montrer. On voyait aussi que Pétion avait pour lui un faible, qui tenait à ses malheureuses idées sur l’union des sexes, sur le mariage dont il ne voulut jamais tracer l’exemple ; et cela faisait croire à une grande influence de Boyer sur lui, sur ses déterminations, d’autant plus, que ce dernier n’épargnait pas ceux qui faisaient quelque opposition au président.[2] À ce sujet, il se montrait ardent ; et si Pétion lançait quelquefois des paroles incisives contre ses adversaires, il est certain que Boyer, fort spirituel, était souvent plus

  1. On se rappelle que Lys était lieutenant de la compagnie d’artillerie commandée par Pétion, dans la Légion de l’Ouest ; que Pétion intervint auprès de Dessalines pour sauver David-Troy. Il ne protégea pas moins Lys auprès de l’empereur, à l’occasion des dénonciations dont il fut l’objet de la part de Germain Frère qui le haïssait : à cette époque, Lys avait des relations compromettantes avec une maîtresse de Dessalines, au Port-au-Prince.
  2. Pétion avait ce faible pour Boyer, parce qu’il ne croyait pas qu’aucune femme eût une vertu à l’épreuve ; il faisait des plaisanteries incessantes a’ce sujet, et c’était un grave tort de sa part : de là son éloignement pour le mariage légitime. Chef de l’Etat, il devait penser et agir autrement.