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que. Ils auraient pu nommer un secrétaire d’État chargé du département de la justice ; mais le titre de Grand Juge paraît mieux convenir à nos institutions.

Tous les corps ont leurs chefs ; celui de la justice réclame le sien depuis nombre d’années, et vous ne pouvez le lui refuser, sans maintenir les tribunaux dans cette confusion qui fait de la justice un corps sans âme.

Cette importante fonction exige sans doute de grands talens ; et si le sénat désespérait de les trouver réunis dans un des citoyens de la République, il serait toujours dédommagé en donnant son suffrage à celui dont l’aptitude aurait surmonté le dégoût qui accompagne souvent l’aspérité de l’étude des lois.

Ce rapport lucide, comme tout ce qu’écrivait Daumec sur la même matière, contient des vérités qui seront toujours appréciées par tout esprit doué de raison ; il est fâcheux d’y trouver des allusions à ce qui venait de se passer récemment, entre le sénat et le Président d’Haïti. En proposant la nomination d’un grand juge qui aurait eu les fonctions dont il s’agit, Daumec prouvait qu’il avait à un haut degré, l’intelligence des besoins de son pays, quant à la direction de l’ordre judiciaire. Personne mieux que lui, à cette époque, n’y eût été aussi propre et aussi digne d’être placé à la tête de cette hiérarchie civile, dont le pouvoir offre tant de garanties à la vie, à l’honneur et à la fortune des citoyens, lorsqu’il est bien compris par les magistrats. Mais, malheureusement, moins à cause du surcroît de dépenses, derrière lequel le sénat se retrancha pour rejeter cette utile proposition, qu’à cause de la lutte politique qui venait de s’ouvrir ou d’éclater, et dont le rapporteur se ressouvint naturellement ; lui seul en ce moment étant le candidat presque obligé, on sentit que, devant avoir des rapports fréquens avec le Président d’Haïti, Daumec ne pouvait lui agréer.