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Le sénat se pénétra tellement de cette pensée, commune à tous les fondateurs de la République, qu’aussitôt l’élection de Pétion à la présidence, il lui attribua, les 12, 19 et 21 mars, la faculté de proposer seul les candidats aux emplois vacans ; d’en proposer trois pour chaque emploi, en désignant celui qu’il croirait être le plus propre à le remplir ; enfin, d’entretenir les relations politiques au-dehors, de conduire les négociations, d’arrêter et signer tous traités, etc., sous la seule réserve, juste, de leur examen et ratification par le sénat. Eh bien ! n’étaient-ce pas les plus précieuses, les plus importantes attributions du pouvoir exécutif en tous pays ?

Le sénat ne se borna pas à cela ; en séjournant le 1er juillet 1807, au moment où il signalait l’existence de factieux, où il prévoyait des conspirations, il délégua encore au Président d’Haïti, à Pétion ! durant son ajournement, le pouvoir de faire toutes les nominations et remplacemens que les circonstances pourraient exiger dans les corps, tant civils que militaires ; de faire tout règlement de police pour la discipline de l’armée, de fixer le traitement des militaires de tous grades, etc. N’était-ce pas lui confier de nouveau des attributions qui mettaient le pays entre ses mains, lui déléguer, comme nous l’avons dit, la dictature que le sénat avait reçue de l’assemblée constituante ?

De quel droit ce corps avait-il pu agir ainsi ? Quel article de la constitution pouvait-il invoquer pour s’y autoriser ? Mais il l’avait fait, pour rentrer dans le système normal de tout bon gouvernement, où les attributions respectives du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif doivent être distinctes et séparées ; car le sénat ne devait pas prétendre à perpétuer leur concentration dans