Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nat va abdiquer toute mission. Mais non, il est plus doux de croire que celui qui posa la première pierre à la constitution, la soutiendra de tout son pouvoir : il y est lié par le serment qu’il prêta dans le sein de la représentation nationale, le 10 du mois de mars 1807.

Puisse le jour que nous citons, faire époque dans les annales de notre révolution ! Puisse-t-il bannir de tous nos cœurs tout ressentiment, et nous porter plus que jamais à nous presser autour de la constitution, avec laquelle nous avons juré de périr. Jetons le voile sur le passé, et faisons cingler, dès aujourd’hui, le vaisseau de l’État vers le port de la félicité publique.

Quelle que fût la capacité de Daumec, rédacteur de cet acte, on reconnaît qu’il ne l’avait pas improvisé en un instant, qu’il fut médité entre lui et les autres membres du sénat qui influençaient le plus ses délibérations, Bonnet, Lys et David-Troy.[1] Lorsque ce corps arrêta, à huit clos il paraît (car ses procès-verbaux publics n’en font pas mention), qu’il irait en corps pour lire ces Remontrances à Pétion, la proposition de le mander au sénat avait été faite, dans la chaleur des préoccupations auxquelles on était en proie ; mais elle fut repoussée judicieusement comme n’étant point fondée, sur la constitution, le cas d’accusation seul le permettant. Pétion n’avait pas ignoré cette particularité ; car il y avait des sénateurs qui ne partageaient point l’exaltation des autres : il était donc préparé à recevoir le sénat. Il le reçut avec son calme ordinaire et les égards qu’il devait au pouvoir législatif de son pays, comme un homme d’État, un grand politique doit le faire en pareille circonstance.[2]

  1. J’avertis le lecteur que je relate tout ce que je sais, par tradition, et que le sénateur Lys était mon oncle par alliance : il avait épousé ma tante, il était l’ami de mon père, époux de la sœur de sa femme, il me chérissait. Mais j’écris sur l’histoire de mon pays, et je dois dire ce que je crois être vrai
  2. On raconte, ce qui est historique, qu’a propos de l’idée émise de le mander au sénat, Pétion dit : « Ces messieurs veulent être des Cassius et des Brutus ; mais ils ne trouveront pas en moi un César.  » Dans sa pensée, ce mot faisait autant allusion au fait de l’histoire