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leurs efforts pour éclairer le peuple sur ses droits, et rentrer avec le pouvoir exécutif dans le cercle constitutionnel. Ah ! par combien de titres ne mériterons-nous point l’amour de nos concitoyens, si, toujours attentifs à notre devoir, nous travaillons toujours à leur bonheur !

Constamment abreuvé d’amertumes, le sénat ne peut passer sous silence combien il a été affecté du peu de cas que le pouvoir exécutif a fait de ses différens messages[1]. Ceux qu’il vous a adressés sur le commandement de la place du Port-au-Prince, sur l’inexécution des lois, sur la police des villes et des campagnes, sur les administrateurs qui ont diverti les deniers publics, sur le commerce de Cube : tous ces messages sont restés sans réponse et sans effet[2].

Le commerce de Cube est trop contraire aux intérêts d’Haïti, pour le tolérer. Il favorise l’écoulement du numéraire et la dépopulation de la République, en y enlevant des familles entières ; il introduit chez nous un système de traite incompatible avec nos lois ; il enlève des enfans trop crédules par leur âge, et qui sont tramés en captivité dans les colonies espagnoles ; ce commerce, enfin, ne produit rien pour le souffrir d’après ses dangers. À Jérémie, où il est plus actif, il n’a produit dans l’espace de neuf mois que 15000 et tant de cents gourdes à l’État ; et ceux qui le font, enlèvent nos jeunes compatriotes pour les convertir en troupeaux d’esclaves chez l’étranger.

Voilà, Président d’Haïti, le résultat d’une police trop négligée. Dans la circonstance où se trouve la République, tous les étrangers doivent être scrupuleusement examinés ; les Esclavons, Génois, Napolitains et Italiens, qui fréquentent nos ports, doivent fixer l’attention de la police : ce sont des mercenaires qui viennent moins chez nous pour commercer, que pour établir un système d’espionnage et d’embauchage.

Le sénat, citoyen président, est loin de vouloir criminaliser toutes les opérations du gouvernement ; il y voit moins des fautes volon-

  1. On disait à ce sujet, que Pétion mettait dans un vase de cristal, les messages qu’il recevait du sénat. S’il est vrai qu’il faisait ainsi, du moins la transparence du verre permettait qu’il s’en ressouvînt. Au reste, il aimait plus à causer qu’a écrire : les sénateurs, presque tous ses anciens amis, le voyant tous les jours, il causait avec eux de l’objet de ces messages, et n’y répondait pas par écrit. Mais le sénat aimait les choses officielles : de la ses plaintes.
  2. Après ces reproches, Pétion appela Caneaux, chef de bataillon d’artillerie et directeur de l’arsenal, au commandement de la place du Port-au-Prince.