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calmer l’effervescence du caractère indomptable de celui qui, dans le Sud, représentait cet ancien général à bien des égards.

Arrivé à Jérémie le jeudi 24 mai, il eut la douleur de ne pas recevoir la visite de Gérin. Commandant du département du Sud, ce dernier était tenu, sous le rapport militaire et politique, de se présenter devant le Président de la République, chef de l’État ; la subordination l’exigeait de toutes manières. Mais laissons parler Pétion au sénat, dans sa lettre du 28 mai dont nous donnons un extrait :

« Depuis mon arrivée ici, le général Gérin ne s’est pas encore présenté chez moi, et je ne sais à quoi attribuer cette indifférence, et je puis dire, ce manque d’égards de la part d’un officier à qui j’ai prodigué les preuves d’attachement, et que j’ai traité, en toute occasion, de la manière la plus distinguée. Je vous fais parvenir, citoyens sénateurs, copie d’une lettre qu’il m’a adressée, et copie de la réponse que je lui ai faite. »

Jérémie, 27 mai 1808.

Étienne Élie Gérin, général de division,

Au général Pétion, Président d’Haïti.
Citoyen Président,

J’ai appris votre arrivée dans cette place hier, par ce fait même.

Tous les efforts d’imagination et de corps que je me suis donnés sans relâche, depuis le moment où j’ai dirigé l’entreprise qui a renversé Dessalines jusques à ce moment, n’ont point peu contribué à délabrer ma santé. Mon âge avancé ne me permet plus d’en supporter d’autres, et ma vue s’affaiblit de jour en jour.

Je ne me proposais, dans mes travaux divers, que de pouvoir contribuer à sauver le pays de la férocité de Christophe et de ses partisans, et je n’ambitionnais que le bonheur de voir luire une sécurité pour me retirer du service militaire. L’occasion me semble favorable en ce moment, où l’armée sous les ordres du général Lamarre, dans