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L’Histoire d’Haïti relate ainsi ces particularités.

« Le peuple de l’Ouest, dit-elle, désignait le général Pétion, et celui du Sud le général Gérin. La plupart des sénateurs penchaient pour ce dernier. Bonnet était peut-être le seul qui désirât ardemment la nomination de Pétion en lequel il reconnaissait les principales qualités d’un chef d’État, des mœurs douces, démocratiques, tout ce qu’il fallait pour faire prendre racine aux institutions nouvelles. Gérin, au contraire, était violent, despote et toujours prêt à remplacer la loi par sa volonté. Déjà, il avait soulevé contre sa personne les passions de beaucoup de citoyens, en soutenant dans un cercle d’officiers, en présence de David-Troy, que le fils d’un paysan n’était pas l’égal du sien, même aux yeux de la loi… Le sénat se réunit… Pétion avait eu l’adresse de ne pas se présenter à la séance ; mais Gérin s’y était rendu, quoique la plupart de ses collègues lui fussent favorables. Il se croyait tellement certain d’être élu, qu’il avait déjà fait faire son costume de Président d’Haïti[1]. » (Vient ensuite la scène attribuée à ce général, et placée mal à propos au 9 mars.) « Bonnet, qui désespérait déjà de la nomination de Pétion, prit avantage de cette circonstance, et dit aux sénateurs : — Mes collègues, si le général Gérin, qui est notre égal, froisse ainsi à notre égard toutes les convenances, que ne fera-t-il pas s’il devient le premier magistrat de la République ? Ne serait-il pas de l’intérêt de la saine liberté, qu’on nommât président le général Pétion qui, par sa modération, son patriotisme éprouvé, son républicanisme vrai, nous offre toutes sortes de garan-

  1. Le costume du Président d’Haïti n’ayant été décrété que le 26 mars, nous croyons que cette tradition a calomnié Gérin gratuitement.