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diviser le pouvoir et le pays, surtout ayant l’espoir d’être le Président d’Haïti. Le projet de Bonnet le contrariait encore, dans le cas où il ne l’aurait pas été, parce qu’il eût espéré alors de continuer à être ministre de la guerre et de la marine, sous le titre de secrétaire d’Etat, tandis qu’en disant qu’il n’en fallait qu’un seul, c’était lui ôter cet espoir d’avoir l’armée et les forces navales sous sa direction[1].

« Au lieu de combattre le projet, il en attaqua le rapporteur lui-même, le général Bonnet… il en vint à son égard à des personnalités qui offensèrent la dignité de l’assemblée. » Et Daumec ayant soutenu le projet, tout en faisant des éloges de Gérin et de ses capacités administratives : « Gérin, d’une humeur fougueuse, se voyant contrarié, lui dit avec colère : — Votre discours est plein d’absurdités ; d’une autre part, ne devriez vous pas savoir qu’on humilie un citoyen en faisant son éloge en sa présence ? — Il sortit aussitôt de la salle, plein de fureur… De ce moment date l’origine de la chute de son prestige[2] »

Au fait, quand Daumec le louait par rapport « à ses capacités administratives, » et qu’il donnait la préférence aux propositions de Bonnet, c’était plutôt le tourner en dérision. Toutefois, cette scène inconvenante acheva de ruiner le prestige du général du Sud, déjà fortement

  1. Il est même permis de croire que le caractère de Gérin et l’opposition qu’il faisait déjà a Pétion et même au sénat, influèrent sur l’établissement d’un seul secrétaire d’État ; car Pétion réunissant les suffrages les plus éclairés pour la présidence, si on avait voulu un secrétaire d’État de la guerre et de la marine, il eût été difficile de ne pas nommer Gérin à cette charge qu’il avait occupée sous l’Empire, pour le contenter, le consoler ; et alors il eût été continuellement en lutte avec Pétion et le sénat.
  2. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 412. C’est par erreur que M. Madiou dit que cette loi fut rendue le 9 mars ; elle porte la date du 7 : donc la scène de Gérin aurait eu lieu le 7, et non pas le 9, jour de l’élection de Pétion.