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troupe manquant de munitions, il avait dû opérer sa retraite à travers les masses ennemies. Il divisa sa petite armée en deux pour pouvoir mieux se tirer de cet embarras. « Je fus forcé, dit-il, de me réfugier au milieu des bois avec une compagnie de grenadiers seulement, ayant dispersé le reste de mes troupes de la manière la plus convenable à notre position. Le général Nicolas Louis m’a bien secondé en cette occasion. Je restai huit jours dans les convulsions du désespoir, en proie à toutes les privations de la vie. J’aurais indubitablement fini ma carrière dans cet état, si l’adjudant-général Delva n’était pas arrivé promptement à mon secours, avec un bataillon de la 16e commandé par Boisrond Laurent[1]. Voilà quelle était notre position, quand vous croyiez que nous moisonnions des lauriers. Réfléchissez un moment, président, sur tous les maux passes qu’a occasionnés la guerre civile. Réfléchissez sur la trop grande bonté du général Rigaud, qui occasionna tous les maux de la patrie, et voyez combien il importe de terminer cette guerre-ci. Tout Haïtien a les yeux fixés sur vous. Quoi ! seriez-vous indifférent aux vœux de tous ces cœurs ? Le nom de la patrie ne vous serait-il plus cher ? Oui, vous chérissez le nom de son libérateur, et votre gloire la plus chère réside dans le bonheur du peuple qui vous adore… »

Si ce langage prouve la dignité républicaine de Lamarre et son attachement à Pétion, et en même temps la liberté que ce dernier laissait à ses camarades d’armes de

  1. Un frère de Boisrond Tonnerre, qui, dans la guerre de l’indépendance, servant sous les Français au combat de Laval, près de l’Anse-a-Veau, fut balafré par Léger qui était du côté de Geffrard. Au moment où il arrivait au Môle avec son bataillon, Léger venait de se rendre à Lamarre, en faisant défection à Christophe ; car cette lettre de Lamarre parle de lui au président, en l’envoyant au Port-au-Prince. Boisrond Laurent ne tarda pas à périr dans un combat.