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qu’il pût statuer définitivement sur les diverses branches de l’administration : elles divisaient les recettes, de même que les dépenses, en six chapitres.

Il y avait une chose plus simple à faire ; c’était de prescrire aux agents des finances, de suivre la même comptabilité qui avait été établie sous Toussaint Louverture, et qui était certainement bien réglée. Mais, comment le ministre eût-il pu rien comprendre en cette matière ? Il signait seulement son nom, ne sachant ni lire ni écrire. « C’était un vieillard plein de zèle, mais d’une profonde ignorance[1]. » Il était donc inhabile à diriger le département important qui lui fut confié.

Vernet était sans doute un bon militaire, qui avait payé de sa personne en maintes occasions ; mais ce n’était pas là un titre à administrer les finances, surtout d’un État naissant après tant de bouleversemens politiques. En outre, le gouverneur général, en nommant un administrateur, un trésorier, etc., leur disait, avec son expérience des choses du pays, toujours pleine de franchise : « Plumez la poule, mais prenez garde qu’elle ne crie. » C’était leur dire en d’autres termes : « Faites vos affaires aux dépens du fisc, pourvu qu’il n’en résuite point un scandale public. » Avec une maxime financière aussi originale, il était impossible que la probité fût la règle de conduite des agents.

Aussi, Vastey, chef des bureaux du ministre, s’en prévalait-il pour rançonner tous les fournisseurs et tous ceux qui avaient affaire au ministère. C’était un homme instruit, mais d’une corruption que sa méchanceté seule égalait ; il faisait signer à Vernet ce qu’il voulait. Sa con-

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 160.