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Après l’éloge mérité, passons au blâme qui ne le fut pas moins.

Le régime administratif de cette dictature de trois années se dessinait déjà. L’affermage des biens domaniaux aux chefs militaires et aux employés supérieurs du pays, fit revivre le système de culture établi par Toussaint Louverture. Le cultivateur était contraint au travail de la terre, et « jusqu’alors, les inspecteurs de culture faisaient rarement passer aux verges ou au bâton, le laboureur paresseux ou insubordonné que signalaient les gérants ou les chefs de section[1]. »

Cette assertion, vraie pour les premiers momens, indique néanmoins que dans la suite telle fut la condition normale de l’ouvrier des champs : condition qu’il partageait avec le soldat, quoique ce dernier fût chargé le plus souvent de l’exécution de ces mesures coercitives. L’un et l’autre recevaient encore de mauvais traitemens, selon le despotisme plus ou moins sévère des chefs militaires, dans les travaux extraordinaires nécessités par la construction des forteresses dans l’intérieur du pays. Henry Christophe surtout se distinguait parmi eux par ses rigueurs, à l’occasion du fort de Laferrière, devenu plus tard la fameuse citadelle Henry[2]. Si le cultivateur

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 161.
  2. Cette citadelle fut construite sur le plan dressé par Henri Barré, mulâtre, ingénieur en chef du Nord. Le nom de Henry qu’elle porta fut à cause de celui du général, et non de celui de l’officier du génie. Dans les montagnes du Port-au-Prince, Pétion traça le plan de 2 forts, l’un appelé Jacques, du nom du gouverneur général, l’autre, Alexandre, de son nom. Geffrard fit construire la citadelle des Platons, d’après le plan de l’ingénieur Morancy, homme de couleur. Dans les hauteurs de Léogane, il y eut le fort Campan, élevé sur l’habitation de ce nom ; dans celles de Jacmel, le fort du Cap-Rouge, nom de la montagne ; dans celles de l’Anse-à-Veau, le fort Desbois, du nom de l’habitation ; dans celles d’Aquin, le fort du Bonnet Carré, nom de la montagne ; enfin, dans celles de Jérémie, le fort Marfranc, du nom de