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des avertissemens salutaires ! Les faits survenus en 1791, par la perversité des contre-révolutionnaires européens, étaient encore plus éloquens ; et lorsque l’ancienne métropole seconda les vues liberticides de ses colons pour restaurer le régime aboli par elle-même, elle devait s’attendre à ce résultat inévitable, d’après l’exemple tracé par ses cruels agents.

On peut dire aussi que Dessalines fut le vrai Spartacus moderne annoncé par Raynal : il a été ce chef courageux qui a conduit sa race à la vengeance et au carnage, pour assouvir son juste ressentiment. Dans le langage qu’il tient à ses concitoyens et au monde entier, on reconnaît la conviction d’une âme fortement trempée. Il se persuade qu’il a rempli son devoir envers son pays : son orgueil et sa gloire sont dans l’aveu qu’il en fait ! Il s’inquiète peu du jugement qui sera porté sur lui !…

Nous expliquons, nous ne justifions pas ses actes de cruelle vengeance. Mais ce sentiment, que réprouvent également la religion, la morale et la vraie politique, est-il donc inconnu à la race blanche ? Si l’on fouillait dans son histoire de tous les temps, ne pourrait-on pas lui opposer ses propres actes, ses représailles sanglantes commises sur des hommes de la même race, surtout aux époques où les lumières étaient peu répandues ? Qu’y a-t-il donc d’étonnant de la part d’un chef et d’une nation de la race noire, lorsqu’ils se sont portés à de semblables fureurs, provoquées par une entreprise coupable contre leurs droits, par l’astuce et la violence ?[1]

Eh quoi ! en dépeuplant les Antilles, les Européens

  1. « Richelieu avait semé la vengeance avec le sang ; c’est la suite naturelle de toute terreur… » — Lamartine, à propos des factions qui se renouvelèrent sous la minorité de Louis XIV.