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leurs semblables, en tenant une conduite diamétralement opposée à la mienne ; vous n’en accuserez que la loi inévitable du destin qui m’aura enlevé au bonheur et au salut de mes concitoyens. Mais, puissent mes successeurs suivre la marche que je leur aurai tracée ! C’est le système le plus propre à consolider leur puissance : c’est le plus digne hommage qu’ils pourront rendre à ma mémoire.

Comme il répugne à mon caractère et à ma dignité de punir quelques innocens des fautes de leurs semblables, une poignée de blancs, recommandables par la religion qu’ils ont toujours professée, qui, d’ailleurs, ont prêté serment de vivre avec nous dans les bois, a éprouvé ma clémence. J’ordonne que le glaive les respecte, et qu’on ne porte aucune atteinte à leurs travaux ni à leur conservation.

Je recommande de nouveau, et j’ordonne à tous les généraux de départemens, commandans d’arrondissemens et de places, d’accorder secours, encouragement et protection aux nations neutres et amies qui voudront établir avec cette île des relations commerciales.

Fait au quartier-général du Cap, le 28 avril 1804, an 1er  de l’indépendance.

Signé : Dessalines.
Pour copie conforme : le Secrétaire général,
Signé : Juste Chanlatte


De même que Boisrond Tonnerre, Juste Chanlatte, aussi violent que lui, interpréta parfaitement les sentimens qui animaient le chef d’Haïti. Dans la proclamation du 1er  janvier, c’est le cri de la vengeance qui domine ; dans celle du 28 avril, c’est la vengeance satisfaite qui se glorifie elle-même !

On ne peut le nier cependant, l’un et l’autre acte n’exprimaient que des vérités senties par la nation tout entière. Le régime colonial, toujours si oppressif pour la race noire, avait poussé les choses à un tel point en 1802 et 1803, qu’il fallait nécessairement que la race blanche disparût du sol où elle avait commis tant de crimes ; mais son expulsion eût été suffisante.