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naturalisation, en faisant donner des passeports à ceux qui en seraient pourvus.

Le même jour, 1er  avril, le gouverneur adressa aux généraux une lettre qui fut publiée et qui devint ainsi une sorte de manifeste pour l’étranger : il leur envoya une copie de l’adresse des colons de Saint-Domingue à ceux de Paris, qui les priaient de solliciter du Premier Consul la confirmation de Rochambeau comme capitaine-général[1]. Voici cette lettre :

Citoyens généraux,

Si la résolution irrévocable que nous avons prise d’exterminer nos oppresseurs avait besoin d’apologistes pris au sein d’Haïti, j’adresserais à chacun de mes concitoyens un exemplaire de la copie de la pièce que vous trouverez ci-incluse, pièce qui seule, peut-être, a fait pleuvoir tous les maux sur nos têtes, mais appelé notre indépendance.

Braves compagnons d’armes, nous n’avons pas besoin de justification, puisque notre vengeance ne peut jamais égaler la somme d’injustices et d’atrocités de nos ennemis ; mais la publicité que vous donnerez à cet acte dicté par l’orgueil, le préjugé et le despotisme des colons, prémunira les nations, nos amies, contre les allégations mensongères du petit nombre de nos ennemis échappés à notre juste vindicte. Que dis-je ? Cet acte prouvera à toutes les nations que notre gouvernement, loin de refuser sa protection aux négocians étrangers, a dédaigné de rechercher ni d’inquiéter, en aucune manière, ceux d’entre eux qui, pouvant vivre tranquilles sous les auspices de la liberté du commerce, et couverts du droit des gens, ont eu l’impolitique gaucherie de signer une pareille pièce.

À Dieu ne plaise que je confonde les hommes estimables qui ne viennent dans notre île que pour enrichir leur patrie de nos productions, et qui ne s’écartent jamais du respect qu’ils doivent aux lois du pays qui les accueille, avec ces négocians éphémères qui trafiquent de l’honneur ; mais je dois faire connaître au continent de

  1. Voyez tome 5 de cet ouvrage, p. 342 et 343.