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quent, de verser du sang, en portant la guerre dans le Nord. — Gérin répliquait que Christophe, avant de succomber, se baignerait dans le sang des populations, et qu’on devait ne pas laisser échapper l’occasion favorable de l’abattre d’un seul coup. Les officiers du Sud se montraient convaincus que Pétion sacrifiait l’intérêt général à des vues ultérieures d’ambition personnelle.[1] »

Nous répétons ici, que nous eussions reproduit nous-même toutes ces accusations lancées contre Pétion, à cette époque, si elles n’étaient pas dans l’Histoire d’Haïti.

S’il abandonna l’Arcahaie, c’est qu’il n’y a guère dans cette commune de points militaires par rapport au Port-au-Prince, c’est qu’il y avait des choses plus essentielles à faire dans cette ville : plus tard, le Boucassin, plus défendable, plus rapproché, fut pendant longtemps occupé par Gérin lui-même, d’après l’ordre de Pétion, devenu chef du gouvernement. Les reproches de Gérin n’étaient que le résultat de ses idées, de ses conceptions gigantesques, chevaleresques, qui ne lui faisaient douter de rien.

Et comment se pouvait-il que les populations du Nord et de l’Artibonite fussent favorables à la République, lorsque la nouvelle guerre civile ravivait l’ancienne antipathie entre elles et celles de l’Ouest et du Sud, qui exista dans la première guerre entre Toussaint Louverture et Rigaud ; lorsque Christophe l’excitait par toutes sortes de ruses, en prétendant alors qu’il vengeait la mort de Dessalines, si aimé dans l’Artibonite, si respecté dans le Nord ? Gérin surtout qui avait été à la tête du mouvement

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 389 et 390.