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et Gérin. L’un n’avait aucune autorité sur l’autre ; tous deux sénateurs et commandans de départernens, ils étaient parfaitement égaux, La seule autorité à exercer par l’un ou l’autre, devait résulter de la justesse de vues, de l’appréciation politique de la situation ; car la conduite de la guerre était subordonnée à la direction politique. Ils pouvaient s’entendre néanmoins, délibérer entre eux et convenir des meilleures mesures à prendre, entraîner leurs autres collègues militaires et ceux de la classe civile, à adopter ce qu’ils auraient jugé utile dans la circonstance. Mais on les a vus déjà divisés d’opinions le lendemain du 17 octobre : il n’est donc pas étonnant qu’après la retraite de Christophe, ils aient été encore d’opinions contraires sur ce qu’il y avait à faire. C’était au Sénat à approuver celles qui lui paraîtraient les plus judicieuses, en raison des circonstances.

Cela posé, voyons et examinons les opinions de Gérin et de Pétion, afin de pouvoir porter un jugement impartiale leur égard.

Il est certain, d’après toutes les traditions (rien n’ayant été écrit), que Gérin voulait marcher avec toute l’armée à la poursuite de Christophe, pour s’emparer, disait-il, de Saint-Marc, puis de Marchand, des Gonaïves, avec l’espoir de s’emparer même du Cap et de tout le Nord, d’anéantir ce fameux ennemi. Il ne doutait d’aucun succès dans cette vaste entreprise ; les troupes de l’Artibonite et du Nord qu’on venait de repousser il est vrai, mais qu’on n’avait pas défaites, devaient être vaincues ou mettraient bas les armes ; les généraux de ces départernens feraient défection ou se soumettraient de force ; les populations elles-mêmes accourraient au-devant de l’armée républicaine envahissant leurs territoires, sans