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« Cependant, aujourd’hui que les haines politiques sont éteintes, que les plaies de 1802 et de 1803 sont fermées, l’Haïtien doit vivre en bonne amitié avec la France dont le contact ne peut que développer le germe de civilisation qu’elle a déposé chez nous. Il doit s’efforcer de s’acquitter de ses obligations envers la France, parce qu’il les a rendues nationales, volontairement et librement, sans même avoir tenté la lutte. C’est un devoir que l’honneur lui commande aujourd’hui. Mais en 1825, il eût dû exiger que sa révolution fût sanctionnée par l’ancienne métropole, telle qu’elle s’était développée et accomplie, sinon accepter la guerre. La dette d’Haïti envers les colons est aussi illégitime que le milliard qui fut imposé à la France en faveur des émigrés, à la chute de Bonaparte. »

Ces lignes sont tout à la fois un éloge et une censure de la conduite de Pétion et de Boyer, son successeur, sous l’administration duquel cette dette a été contractée envers la France. Si l’Haïtien, c’est-à-dire la partie pour le tout, la nation entière, l’a contractée volontairement et librement, c’est qu’apparemment elle a eu de bonnes raisons pour agir ainsi ; c’est qu’elle a senti qu’elle n’avait pas le droit d’exiger, ou tout au moins qu’elle n’avait pas la puissance nécessaire à cette exigence ; c’est qu’elle aura été déterminée plutôt à ce contrat, à cette transaction, par des considérations d’un ordre tout moral, source de toute bonne politique[1]

Nous nous bornons à ces simples observations, nous réservant d’examiner en temps opportun les questions soulevées dans ce passage.

  1. L’indemnité a été consentie pour les propriétés privées, et non pas pour ce qui constituait le domaine public appartenant à l’ancienne métropole.