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sement, — mécontent, au point de concevoir l’idée de trahir la République pour servir la cause de Christophe, en organisant une révolte dans la Grande-Anse.

Lorsque Gérin fut appelé par Pétion au secours du Port-au-Prince, il envoya l’ordre à Bergerac de venir avec la 18e, afin d’avoir un brave officier de plus pour la défense de cette ville. De tous les corps du Sud, la 19e seule, échelonnée dans l’arrondissement de Tiburon, ne fut point mandée. La 18e était arrivée seulement à l’habitation Bézin, entre Miragoane et l’Anse-à-Veau, quand Férou fit rappeler ce corps à Jérémie à cause de l’affaire qui y eut lieu et qui inaugura l’insurrection dans la Grande-Anse. Cette insurrection se fit par Goman personnellement, et voici comment :

Chef du 2e bataillon de la 19e, en garnison à l’Ane-d’Eynaud, et prétendant qu’on négligeait de l’habiller et de le solder, sachant d’ailleurs que la 18e était en route pour le Port-au-Prince, il partit de son poste avec tout ce bataillon pour venir à Jérémie réclamer, disait-il, solde et habillement. On fut bientôt informé en cette ville de sa marche sans ordre supérieur ; cela parut étrange et fit suspecter en Goman de mauvais desseins, parce qu’on connaissait tous les mauvais antécédens de ce singulier personnage, de ce Congo (il était Africain) qui avait toujours été marron dans les bois durant l’ancien régime colonial, du temps de Toussaint Louverture et des Français, et qui était d’un caractère indocile, luttant incessamment avec ses chefs. Goman, enfin, était loin d’être « un officier distingué par son courage et ses longs services, etc., » ainsi que le dit M. Madiou ; mais il était entreprenant, par ses habitudes farouches contractées dans les bois. On conçut donc des craintes à Jérémie ; on s’arma