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fut expédiée de suite à Christophe, par Juste Hugonin et F. Ferrier. Elle ne fut connue au Port-au-Prince qu’après le commencement de la guerre, par la publication qu’en ordonna Christophe, pour prouver l’illégalité de la composition de l’assemblée et de son œuvre[1].

Si la majorité de l’assemblée constituante accepta franchement et avec enthousiasme la constitution préparée par son comité, la population du Port-au-Prince accueillit l’institution de la République avec joie : dans toutes les rues, elle criait : Vive la République !

Le lendemain, 28 décembre, l’assemblée se réunit pour procéder à l’élection du Président d’Haïti et des 24 sénateurs. Malgré les faits qu’elle connaissait déjà de Christophe, mais ignorant l’existence de sa proclamation du 24, elle se sentait liée par l’acte de Résistance à l’Oppression qui l’avait proclamé « chef provisoire du gouvernement, en attendant que la constitution, en lui conférant définitivement ce titre auguste, en ait désigné la qualification. » Il fallait être conséquent avec

  1. Parmi ses 25 signataires, 6 restèrent au Port-au-Prince, malgré la faculté qu’eurent les 33 députés du Nord et de l’Artibonite de se retirer dans leurs foyers : ce sont C, Thélémaque, Larose, P. Varein, Bataille, Lamothe-Aigron et F. Ferrier ; mais ce dernier s’évada environ un an après, criblé de dettes (a). 8 autres, qui n’avaient pas signé la protestation, y restèrent aussi : ce sont Simon, Barlatier, Basquiat, Saget, Rollin, Neptune, Lamontagne et Manigat. Sur les 19 qui se retirèrent, 2 prirent parti en faveur de la République, au Port-de-Paix : ce sont Thimoté Aubert et H. Datty. Roumage aîné périt pour s’y être montré favorable. Ainsi donc, sur 33 députés, il n’y en eut que 17 qui adhérèrent au système de Christophe. Ces chiffres disent assez que, malgré l’irrégularité des élections, les sentimens de la plupart des représentans du Nord et de l’Artibonite étaient favorables à la République.

    (a) F. Ferrier, devenu sénateur, fit le commerce au Port-au-Prince ; il y contracta des dettes, et fut à Jacmel où il s’embarqua sur un navire des États-Unis ; de la il se rendit au Cap. Il n’avait accepté le sénatoriat que pour continuer à être l’espion de Christophe : le 21 avril 1808, il donna sa démission au moment où il allait se sauver.