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Celui qui est chargé de faire des lois pour son pays écarte de lui toute passion, ainsi que toutes affections particulières ; le saint amour de la patrie remplit son cœur tout entier ; le moment présent n’est point tout pour lui ; son âme s’élance dans l’avenir ; il s’associe aux générations qui doivent lui survivre ; il veut que les lois politiques et civiles soient en harmonie avec les lois de la nature, parce qu’il se regarde comme l’organe et le ministre de cette Providence divine qui a créé l’homme pour qu’il fût heureux dans tous les temps.

D’ailleurs, citoyens, si nous déléguions au chef du gouvernement une portion seulement du pouvoir législatif, au lieu de travailler pour la liberté, nous établirions le despotisme. L’expérience ne prouve-t-elle pas que le pouvoir législatif tend sans cesse au relâchement, tandis que le pouvoir exécutif acquiert sans cesse une plus grande intensité de force ?

Nous vous proposons, citoyens, qu’aucune somme ne sorte du trésor public sans la signature du secrétaire d’État qui, placé auprès du Sénat, sera toujours prêt à lui rendre compte de ses opérations. Il est juste que le peuple, dont les contributions forment les revenus de l’État, soit instruit de l’emploi qui en a été fait. S’il en était autrement, si, comme dans les monarchies, le trésor public devenait le trésor d’un individu, la corruption s’introduirait jusque dans le Sénat. Les hommes étant partout les mêmes, ayons la modestie de croire que nous ne serons pas plus incorruptibles dans notre République, qu’ils ne le sont ailleurs.

Dans la situation où nous nous trouvons avec les autres gouvernemens, il est important de reconnaître au Sénat le droit d’entretenir les relations extérieures et de conduire les négociations. Nous devons rechercher la bienveillance et cultiver l’amitié de tous les gouvernemens ; en leur payant les égards et le respect qui leur sont dus, nous aurons droit d’espérer de leur part, un retour de procédés nobles et généreux.

En nous occupant du pouvoir exécutif, nous avons pensé que le titre modeste de Président était celui qui convenait le plus au premier magistrat de la République. Nous vous proposons qu’il soit élu pour quatre ans, et qu’il puisse être indéfiniment réélu. Nous vous proposons aussi qu’il ait le commandement de l’armée et qu’il nomme les commissaires près les tribunaux.

Ces pouvoirs et ces attributions qui excèdent ceux que possédait