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Il suffirait de cette lettre pour faire connaître le caractère de Christophe. On y voit prédominer cet orgueil hautain qui le distingua dans tout le cours de sa carrière, et qui le porta à la terminer avec une résolution qui ne manqua pas de dignité. On y reconnaît cette présomption dans les moyens que donnent la force et la terreur, et l’on comprend pourquoi il fut un tyran d’une impitoyable cruauté. Il y laisse percer cette prétention qu’il avait constamment nourrie, de succéder au pouvoir intégral de Dessalines, et dont son impatiente ambition devança l’époque, par ses communications confidentielles à Geffrard et à Pétion. Selon lui, ce dernier avait tort de penser qu’il dût avoir des égards, et pour Gérin et pour l’armée et les populations du Sud qui l’avaient placé à leur tête ; Gérin lui-même ne devait espérer d’y continuer son haut commandement que par son bon plaisir ! C’étaient bien là, des idées dignes du futur Roi qui régna souverainement sur le Nord et l’Artibonite. Mais dans les autres départemens d’Haïti, il y avait aussi un souverain dont l’autorité devait l’emporter à la fin sur la sienne. Écoutons son langage par l’un de ses plus fermes soutiens, de ses plus nobles organes :

Port-au-Prince, le 24 décembre 1806.

Le général de division Pétion, commandant la 2me division de l’Ouest, et membre de l’assemblée constituante,
Au général en chef Henry Christophe, chef provisoire du gouvernement.

J’ai reçu, général, votre lettre du 19 courant, à laquelle je vais répondre.

À l’égard de ce que vous me dites relativement au 3me bataillon de la 20me demi-brigade, j’avais senti aussi toute la conséquence de sa démarche ; mais je n’ai pas pensé que dans les circonstances où