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Puisqu’il l’oubliait si vite, il fallait le lui rappeler ; et Pétion le fit avec sagacité, fermeté et franchise tout à la fois, en mettant sous ses yeux les plus sérieuses réflexions.

Mais Christophe ne lui tint pas compte de tout ce qu’il lui disait par sa lettre, parce qu’il se croyait un tel droit à la succession impériale de Dessalines, qu’il lui semblait que tous ces hommes qui l’avaient reconnu comme chef du gouvernement, n’avaient rempli que leur devoir et devaient maintenant courber devant son autorité. Il rappela Dartiguenave au Cap, mais pour le faire assassiner, parce qu’il n’avait pas passé outre les conseils de Pétion. Il répondit à la lettre de ce dernier par celle qui suit :

Au quartier-général du fort Henry, le 19 décembre 1806,
an 3e de l’indépendance.
Henry Christophe, général en chef de l’armée d’Haïti,
A. S. E. le général de division Pétion, commandant
la 2e division de l’Ouest.

Je viens, général, de recevoir vos deux lettres du 9 et du 10 du présent, celle du 9 sans signature.

La première m’apprend que le 3e bataillon de la 20e demi-brigade, en garnison au Mirebalais, a quitté sans ordre son poste pour se rendre au Port-au-Prince, où vous l’avez fait caserner dans la crainte qu’il ne se fût répandu dans les bois, si vous l’eussiez renvoyé à son poste.

Il est étonnant, Monsieur le général, que, connaissant la conséquence de la démarche de ce bataillon, vous ne lui ayez pas prescrit sur le champ de retourner à son poste, au risque de le voir se répandre dans les bois. Vous n’ignorez pas que l’exemple qu’il vient de donner ne peut que produire les plus funestes effets, et l’on aurait trouvé bien promptement le moyen de le faire sortir du bois où il se serait réfugié. Je ne puis donc que m’étonner que ce bataillon soit jusqu’à ce moment au Port-au-Prince, dans vos casernes.