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constitution de 1805, on verra encore des actes revêtus du nom des généraux ; sans qu’il y ait eu délibération préalable, entre eux ; mais ces actes furent également acceptés par eux, par l’armée et le peuple.

Il nous paraît donc tout naturel que, succédant au pouvoir suprême qu’avait exercé Toussaint Louverture, Dessalines lui-même aura pensé qu’il lui fallait prendre le titre que son chef avait porté, et faire consacrer aussi le droit de choisir son successeur ; et alors, sa volonté, étant connue de son secrétaire, chargé de la rédaction des actes comme l’avait été son collègue, Boisrond Tonnerre aura formulé celui-ci tel qu’il convenait au dictateur ; les généraux l’auront signé, sans vouloir faire la moindre observation à cet égard. Est-ce que, parmi eux, il ne se trouvait pas des hommes capables de juger que le titre de gouverneur général rappelait les anciennes relations de dépendance du pays envers la France ? Boisrond Tonnerre pouvait-il ignorer une telle chose ? Mais on conçoit fort bien que la circonstance était peu propre à favoriser une discussion à ce sujet, et que le caractère et les idées du dictateur s’y prêtaient encore moins.

Toutefois, remarquons une disposition essentielle de cet acte : c’est que, s’il conféra la dictature à Dessalines, ce pouvoir, cette autorité extraordinaire était conditionnelle. Les généraux juraient « d’obéir aveuglément aux lois » qu’il ferait, mais non pas à sa volonté personnelle ; et un passage de sa propre proclamation faisait entendre que ces généraux concourraient à la confection des lois « qui assureraient aux citoyens leur libre individualité. » Ils étaient donc des conseillers d’Etat, assistant le dictateur dans la législation du pays : c’est ainsi, en effet, qu’ils furent considérés.