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traindre les militaires de l’Artibonite, qui avaient déserté dans l’Ouest, à rejoindre leurs corps. Dans ce nombre, se trouvaient le lieutenant Boucher, chef de la musique de la 4e demi-brigade, plusieurs autres musiciens de ce corps et des ouvriers de l’arsenal de Marchand, tous blancs franco-haïtiens ; ils avaient suivi les jeunes gens du Port-au-Prince, pour chercher comme eux dans cette ville, un abri contre les rigueurs ordonnées par le chef du gouvernement et exécutées par le général Martial Besse (notre ancienne connaissance de 1794, nommé commandant de Jacmel par Sonthonax), dont la brutalité allait toujours au-delà même de ce qu’exigeaient ses chefs.[1]

On conçoit quel devait être l’embarras de Pétion, en présence des pères et mères de famille du Port-au-Prince qui réclamaient de lui, de ne pas éloigner de nouveau de leur sein ces fils chéris qui leur avaient été enlevés depuis trois ans, qui pouvaient également servir leur patrie dans les troupes de cette ville : parmi eux se trouvait ce brave Coutilien Coustard qui était destiné à s’immortaliser bientôt par un acte de dévouement héroïque. Le vieux Jérôme Coustard, l’un de nos premiers révolutionnaires de 1791, intercédant pour avoir son fils auprès de lui, Pétion pouvait-il être sourd à sa démarche paternelle ? Lui qui avait sauvé des colons du massacre de 1804, pouvait-il user de contrainte envers Boucher et les autres musiciens, et ces ouvriers blancs, débris de l’armée française, qui venaient se placer sous l’égide de son humanité ? Non, il ne le pouvait pas ! Pour juger de sa conduite en cette circonstance, comme en bien d’autres cas, il

  1. Voyez tome 2 de cet ouvrage, page 349, comment il s’entendait à faire une barbe nationale et des corrections martiales aux individus placés sous ses ordres.