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Dans l’arrondissement de Léogane, une cabale s’était organisée contre Yayou : l’esprit de localité, joint à l’ambition, voulait l’exclure de cet arrondissement, parce qu’en emprisonnant Germain Frère, Pétion lui avait donné le commandement provisoire de celui du Port-au-Prince. On prétendait qu’il devait conserver ce dernier seul. Le colonel Dieudonné, natif de Léogane et aide de camp de Pétion, était le chef principal de cette cabale, dans le but de remplacer Yayou dans sa ville natale. Il commandait la place du Port-au-Prince sous ses ordres, dès le jour de l’entrée de l’armée en cette ville ; il le jalousait et supportait difficilement la subordination qu’il lui devait ; car il est vrai de dire que Yayou avait une certaine brutalité dans l’exercice de son autorité. Dieudonné, par ce motif et par ambition, voulait s’y soustraire et devenir commandant de l’arrondissement de Léogane. Parent ou ami de Lamarre, il l’entraîna dans cette cabale, ainsi que le chef de bataillon Quique. D’un autre côté, l’adjudant-général Marion, qui était à Léogane, ne vivait pas en très-bonne intelligence avec Yayou, bien qu’il ne participât point à la cabale. Des propos furent rapportés à Yayou et le portèrent à se méfier de beaucoup de citoyens : on le persuada que Lamarre et Quique en voulaient à ses jours ; il les manda à Léogane, et ils refusèrent d’y venir. L’agitation fut à son comble dans tout l’arrondissement.

Cependant, après ce refus, et pour mieux narguer Yayou, Lamarre passa à Léogane pour aller au Port-au-Prince : il fut chez lui, l’injuria et le menaça de son poignard, en présence de la garde qui était au bureau de l’arrondissement : de là il poursuivit sa route. La nouvelle de cette scène de grossière insubordination envers Yayou parvint de suite, fort dénaturée, au Petit-Goave ; car on préten-