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« Tout en publiant de telles pièces par lesquelles il prêchait la discipline la plus sévère, Christophe s’efforçait de répandre la division parmi les officiers généraux de l’Ouest et du Sud, pour qu’il pût les écraser avec plus de facilité[1]. »

Alors, il contraignait ces généraux à se prémunir contre sa perfidie, son manque de sincérité ; et si la guerre civile survint à la suite de ces manœuvres coupables, on ne peut leur reprocher d’en avoir été les auteurs.

Christophe profita, en effet, de quelques troubles arrivés dans l’arrondissement de Léogane, pour adresser une lettre au général Yayou, par laquelle il lui suggérait des craintes à l’égard des hommes de l’Ouest et du Sud « qui, disait-il, n’aimaient pas les gens du Nord. » Cette lettre fit d’abord une impression favorable sur l’esprit de Yayou, bien qu’il put se ressouvenir de ses anciennes querelles avec Christophe, et que ce fût par les exigences de celui-ci que Dessalines l’avait retiré de la Grande-Rivière pour le placer à Léogane. Il finit par envoyer cette lettre à Pétion, d’après les conseils d’Inginac et de plusieurs autres citoyens de Léogane, et Pétion put ainsi découvrir les intrigues du chef provisoire du gouvernement[2]. Il exerçait trop d’influence sur l’esprit de Yayou, pour ne pas le persuader de se méfier de Christophe ; et cette précieuse pièce à conviction servit à diriger sa propre conduite sur celle du chef qu’il avait proclamé avec ses compagnons d’armes.

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 351.
  2. Inginac était resté à Léogane, son lieu natal, en revenant dans l’Ouest avec Papalier. Il s’y occupait, au sein de sa famille, d’un petit commerce de détail pour gagner honorablement son existence. On voit que, par ses conseils à Yayou, il désirait le bonheur de son pays. Sous ce rapport, nous aurons à le louer souvent.