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à même de la faire ressortir. Si l’on veut apprécier davantage ce vice infâme en Christophe, qu’on lise encore la même page de l’Histoire d’Haïti, pour apprendre quelles embûches furent tendues à Bonnet, par ses ordres, pour le faire assassiner, au moment où cet officier retournait par terre au Port-au-Prince.

Il avait eu pour mission, avons-nous dit, non-seulement de rendre hommage à l’autorité reconnue en Christophe ; mais de lui déclarer avec fermeté, de le dire partout, que l’Ouest et le Sud voulaient que le pays eût une constitution et des lois qui pussent garantir à la nation entière, toutes les libertés publiques, tous les droits de l’homme en société, afin de pressentir les idées de Christophe à cet égard. Oui, de pressentir ses idées ; et ce n’était pas manquer de sincérité envers lui. On peut être très-sincère dans une situation politique, quoiqu’on ne veuille pas être un niais. Or, Pétion, devenu l’âme de la révolution, connaissait parfaitement Christophe, mieux peut-être que celui-ci ne le connaissait lui-même ; et c’aurait été de sa part une simplicité, que d’avoir une foi aveugle en ses idées, en ses sentimens à l’égard des institutions qu’il fallait donner au pays.

Bonnet avait bien rempli sa mission : le rapport qu’il fit à Pétion ne put le fixer cependant à l’égard de la chose principale ; ce n’est qu’après, qu’il sut quelles étaient les prétentions de Christophe. Mais ce que Bonnet rapporta de sa duplicité, prouva qu’il était toujours le même homme, aux tendances despotiques, incapable de se corriger, prêta renouveler les scènes de fureur de 1799 où il avait joué un si fameux rôle. Pétion prit alors l’attitude qui convenait à une telle situation : il épiait les actes de Christophe.