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tion, et où elle avait triomphé, il fallait beaucoup de prudence de la part des chefs révolutionnaires, pour empêcher le bouleversement total de la société.

Dans le Sud particulièrement, les esprits étaient dans un état d’exaltation extraordinaire ; et lorsque H. Christophe invita Gérin et Pétion de renvoyer les troupes à leurs cantonnemens respectifs, il en était temps pour y rétablir l’ordre : les chefs étant tous venus au Port-au-Prince, on profita de leur absence pour s’agiter en tous sens.

Dans l’Ouest, l’exaltation fut moindre, sans doute, mais elle existait également.

Dans l’Arlibonite, où les populations sont presque aussi remuantes que dans le Sud, il y eut alors aussi plus d’agitation que dans le Nord, où se trouvait le chef provisoire du gouvernement.

En présence de ces difficultés, quel était, pour la société en général, pour chaque classe en particulier, le meilleur système à adopter, afin de ramener la tranquillité matérielle et le calme dans les esprits ? Fallait-il user de contrainte, de moyens coërcitifs sur une large échelle ? Ou bien, fallait-il user de l’influence de la raison, de la douceur, de la modération, donner en quelque sorte un langage aux antécédens des hommes appelés à opérer cette œuvre sociale ? C’est dans une telle mission qu’on doit reconnaître le véritable homme d’Etat, chargé de pourvoir au salut public.

Oh ! nous entendons déjà ces grands politiques, qui ne savent qu’employer la force, le pouvoir du sabre ; nous les entendons qui nous répondent : « La contrainte, les moyens coërcitifs, voilà ce dont il fallait user en cette circonstance. »