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sation de la discipline qu’elle voulait maintenir, en créant un système de délations des inférieurs contre leurs supérieurs. Deux autres sur les enfans naturels et le divorce n’étaient propres qu’à perpétuer les vicieuses mœurs coloniales, érigées en principe politique par les anciens dominateurs du pays. Enfin, une dernière sur l’organisation judiciaire créa des tribunaux, en attribuant à l’empereur, dans son tribunal suprême, l’autorité de celui de cassation : l’organisation promise de ce tribunal suprême n’ayant pas été décrétée, il s’ensuivit que l’empereur absorbait à lui seul l’administration de la justice ; et si son entourage y concourait, c’était encore pis ; car l’immoralité et la dépravation des principaux acteurs n’offraient aucune garantie aux citoyens.

La division du territoire en circonscriptions militaires, prévue par la constitution, eut lieu ; et alors H. Christophe devint le général en chef de l’armée, ce qui lui donnait plus d’influence pour tramer contre l’empereur.

Dans cet état de choses, ce dernier vint à suspecter la fidélité d’une foule d’individus, notamment parmi les généraux de l’armée. Le soldat ne recevait ni paye, ni ration, ni habillement, et il était soumis à un service actif. Le cultivateur des campagnes, condamné à des travaux pénibles, y était contraint par la verge et le bâton. L’habitant des villes n’était pas à l’abri de ces instrumens de supplice. Le mécontentement devint général, mais il se concentra dans tous les cœurs : ce qui est encore plus dangereux pour le pouvoir que lorsqu’il est expansif. Les gens sensés voyaient avec deuil l’instruction publique, non pas négligée, mais abandonnée, — le fusil, le sabre, la baïonnette, paraissant devoir suffire à tout ; ils voyaient la religion sans aucun empire sur les âmes, l’empereur