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— d’entrer dans une conspiration contre l’empereur dont il était un favori, — afin de prouver que cet homme, qui venait de crier contre Dessalines aussitôt sa mort, était un être dangereux, capable de tout, hors le bien.

Quant à Boisrond Tonnerre, s’il est vrai, comme on le disait généralement alors, qu’il se montra ingrat envers Geffrard au point d’exciter Dessalines contre lui ; s’il s’acharnait contre Pétion également, en le désignant à Dessalines comme jouant le rôle de Sixte-Quint ; s’il tournait Gérin en ridicule, pour ses plans incessans, il ne pouvait pas être mieux vu que Mentor. Ces deux hommes, enfin, avaient trop de charges contre eux dans l’opinion publique, pour ne pas exciter le désir de s’en débarrasser violemment.

Leur arrestation et celle de plusieurs autres aides de camp de Dessalines furent résolues dans un repas qui eut lieu aux bains publics de la ville, et où se trouvèrent Faubert, Francisque, Lys, David-Troy, Borgella, Voltaire, Lévêque, Bearegard, et plusieurs autres officiers supérieurs. Mentor et Boisrond furent pris dans les rues et conduits en prison. En apprenant ce fait, les autres se cachèrent : le colonel Roux se sauva de chez lui où l’on était allé pour l’arrêter ; Dupuy se rendit chez Pétion qui facilita son départ pour le Nord.[1]

Dans la nuit qui suivit, Mentor et Boisrond Tonnerre furent tués dans la prison. Le premier montra de la résignation à son funeste sort, tandis que le second invectiva les soldats exécuteurs.

  1. Dupuy dut se déguiser pour se rendre chez Pétion qui le fit partir pour les Gonaïves, sur sa petite goëletie l’Indien, commandée par L. Benjamin. Roux se sauva à cheval et alla se cacher sur une habitation de la plaine, d’où il revint quelques jours après se placer sous la protection de Pétion. Ce sont là des faits connus de tous les contemporains.