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discipline, en respectant les propriétés, sans que le travail de l’agriculture ait été dérangé un seul moment, ni que le sang ait été versé.

La Providence, qui est infinie dans ses décrets, s’est plue à se manifester dans une aussi juste cause, en conduisant notre oppresseur au sort qui l’attendait, et lui a fait trouver le châtiment dé ses crimes aux pieds des remparts d’une ville où il venait avec des forces, pour l’inonder du sang de ses semblables, puisque, pour nous servir de ses dernières expressions, il voulait régner dans le sang.

Nous n’aurions pas achevé notre ouvrage, général, si nous n’avions été pénétrés qu’il existait un chef fait pour commander à l’armée avec toute la latitude du pouvoir dont il n’avait eu jusqu’à ce jour que le nom. C’est au nom de toute cette armée, toujours fidèle, obéissante, disciplinée, que nous vous prions, général, de prendre les rênes du gouvernement et de nous faire jouir de la plénitude de nos droits, de la liberté, pour laquelle nous avons si longtemps combattu, et d’être le dépositaire de nos lois, auxquelles nous jurons d’obéir, puisqu’elles seront justes.

J’ai l’honneur de vous saluer avec un respectueux attachement,

Signé : Pétion.

Si Pétion ne voulut pas consentir à la marche de l’armée dans l’Artibonite et le Nord, il termina sa lettre néanmoins de manière à prouver au chef élu par elle, qu’elle pourrait être facilement mise en mouvement. Christophe dut se faire relire cette lettre plusieurs fois ; car il suffit de la comparer à celle de Gérin, pour comprendre l’extrême différence qui existait entre l’esprit et le jugement de ces deux généraux. Celle de Gérin, qui prend toujours la qualité de ministre, nous semble d’un homme qui vise à se faire maintenir dans cette charge éminente, en prodiguant l’Excellence à. H. Christophe, tandis que Pétion ne lui donne ce titre qu’une fois, et qu’il lui parle sans cesse de lois, de droits sacrés du citoyen, d’un peuple libre, de liberté, qu’il jure d’obéir aux lois, etc.