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vous eussiez succédé au tyran, pour nous faire oublier, par vos vertus et vos talens, les excès de notre Néron. Le malheur du peuple ayant été à son comble, il s’est levé en masse contre celui qui l’a occasionné, et préparait par la force, sa chute, quand la divine Providence, dirigeant cet événement, a conduit Dessalines au Pont-Rouge, sur le chemin du Cul-de-Sac, près de cette ville, pour être frappé à mort par le premier coup de fusil qui a été tiré depuis cette sainte insurrection. En commandant cette embuscade, j’avais donné les ordres les plus positifs de ne le point tuer, mais bien de l’arrêter pour qu’il fût jugé. Cependant, au moment que je criai : halte ! il se saisit d’un de ses pistolets, en lâcha un coup, et fit des mouvemens pour rétrograder et se sauver. Alors partit ce coup de fusil qui l’atteignit, ensuite une décharge ; et la fureur des soldats alla au point de mutiler et d’écharper son corps inanimé. Le colonel Marcadieu périt aussi en le défendant, et a excité bien des regrets. La difficulté de contenir des esprits montés et exaspérés a empêché de sauver cet homme estimable. Le reste de son état-major est en grande partie ici[1].

Ainsi, le tyran n’est plus, et l’allégresse publique applaudit à cet événement, comme elle vous nomme pour nous gouverner. Le peuple et l’armée ne doutent pas, Excellence, que vous vouliez bien agréer les fonctions dont ils vous chargent, par une volonté générale bien prononcée et spontanée.

J’ai l’honneur de vous adresser sous ce pli, Excellence, une lettre des chefs de la 1re division du Sud ; une relation de la marche de l’armée que j’ai commandée, et des heureux résultats qui en ont été la suite ; des exemplaires de l’acte du peuple qui vous proclame son chef ; et le triplicata d’une lettre que je vous écrivis de l’Anse-à-Veau, dont aucunes ne vous sont, je crois, parvenues, puisque celle que j’ai l’honneur de vous remettre ci-joint m’a été rendue ici.

J’ai l’honneur d’être, avec respect, de votre Excellence,

Le très-humble et très-obéissant serviteur,

Signé : Et. Gérin.

  1. Gérin confirme ici ce que nous avons dit dans une note antérieure, que tous les aides de camp de l’empereur n’entrèrent pas au Port-au-Prince.