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haut pour l’emporter sur lui en influence, pour que Pétion ne se donnât pas la peine d’éteindre celle que Gérin avait acquise tout récemment ?

Il est des hommes qui se démènent, qui se battent les flancs pour arriver au pouvoir, qui réussissent quelquefois, sans grand honneur pour eux (nous n’entendons pas sans de grands honneurs). Il en est d’autres qui n’ont besoin de faire aucun pas pour y par venir ; le pouvoir vient à eux, au contraire, comme parune attraction irrésistible. Pétion était de cette dernière catégorie.

Malheureusement, Gérin, contrarié dans son projet, dans ses vues, devint dès lors le rival jaloux de Pétion, dont la sagesse fut mieux appréciée. C’est presque toujours le résultat des révolutions : à peine elles ont triomphé, que la désunion commence entre les vainqueurs. Il était impossible qu’il n’en fût pas de même entre ces deux généraux et le chef provisoire du gouvernement[1].

Enfin, ils lui écrivirent chacun une lettre ; lisons-les :

Au Port-au-Prince, le 18 octobre 1806, l’an III de l’indépendance.
Le Ministre de la guerre et de la marine,

À S. E. le Général en chef de l’armée, et chef suprême du gouvernement d’Haïti.

Excellence,

Depuis longtemps nos vœux vous désirent à la tête du gouvernement de notre pays. Une foule d’actes arbitraires, un règne par la terreur, des injustices sans nombre, et un gouvernement dont le but était une destruction et une subversion totales, nécessitaient que

  1. Tout chef de gouvernement qui est renversé du pouvoir, peut se consoler d’avance, par la certitude de ce résultat qui ne manquera pas de survenir entre ses adversaires, sinon ses ennemis.