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dit a ses instincts, ses besoins abominables dans de telles crises. Y résister, ce serait s’exposer peut-être à la voir condamner l’œuvre accomplie, à occasionner un revirement dans l’opinion des masses, auxquelles il faut faire accepter le nouvel ordre de choses qui surgit d’une révolution quelconque. Et qu’on ne perde pas de vue, dans la circonstance qui nous occupe, l’état de nos mœurs à cette époque ![1]

Toutefois, plaignons sincèrement le malheureux sort qu’a encouru Jean-Jacques Dessalines ; gémissons sur la fatale nécessité où la nation s’est vue de s’armer contre lui, de l’immoler à la sécurité de tous, à la réforme des abus de son administration, à la création d’un gouvernement plus équitable que le sien, pour garantir aux citoyens de toutes les classes leurs droits dans la société civile. Sa mort violente fut un de ces événemens déplorables, que les peuples les plus civilisés ne peuvent pas toujours éviter eux-mêmes : ils arrivent par un concours de circonstances qui naissent de la nature des choses, souvent plus encore par la faute des gouvernemens. Mais, quelque fondée qu’ait été la résolution prise à cet égard par nos célèbres devanciers, sachons rendre à la mémoire de Dessalines la justice qu’il a méritée, pour avoir énergiquement guidé ses concitoyens, ses frères, dans la conquête de leur indépendance nationale. C’est là son titre à la gloire, à l’estime de la postérité.

Nous ne produirons pas ici la biographie de l’homme, fameux dans nos fastes révolutionnaires, dont nous dé-

  1. En 1848, j’ai vu se passer des choses à Paris, que je n’aurais pu comprendre, si mon esprit n’avait pas été quelque peu éclairé préalablement, par la lecture de l’histoire de bien des peuples. Et que ne vit-on pas au Port-au-Prince, en 1843 ? Boyer ne fut-il pas considéré comme un tyran ?