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Les généraux Gérin, Yayou et Vaval étaient dans l’embuscade. En cet instant, Gérin cria d’une voix forte : « Halte ! Formez le cercle ! »

À ce commandement, les troupes qui étaient dans le bois, derrière l’empereur, en sortirent tumultueusement pour lui barrer le chemin au cas qu’il voulût retourner sur ses pas, tandis que celles qui étaient sur les côtés et en avant vers la ville, sortirent aussi. On peut juger de l’effroi qu’officiers et soldats éprouvaient en présence d’un chef comme Dessalines !

Mais lui, en les voyant obéir à ce commandement militaire, reconnut le piège qui lui avait été tendu et devint furieux : animé de ce courage qui le distinguait à la guerre, il saisit sa canne et en frappa les soldats auxquels les officiers criaient vainement : feu ! feu ! — Je suis trahi ! dit-il : étant un pistolet de ses fontes, il tua un militaire. Mais, se voyant trop cerné par les troupes, il tournait son cheval pour rebrousser sur la route, quand un jeune soldat de la 15e, nommé Garât, sur l’ordre d’un sous-officier, lâcha son coup de fusil dont la balle atteignit le cheval qui s’abattit. C’est alors que Dessalines cria : « À mon secours, Charlotin ! » pour l’aider à se dégager sous le cheval : probablement, ce colonel se trouvait de plus près de lui en ce moment, ou bien il comptait plus sur son dévouement. À ce cri de détresse du chef qu’il aimait, tout en déplorant ses défauts, en le voyant renversé par terre, Charlotin, ce héros de la fidélité, se précipita de son propre cheval, et vint pour le relever. Ce fut en cet instant que les soldats, reprenant leur aplomb, firent une décharge sous laquelle périrent Dessalines et Charlotin[1].

  1. Je relate ces faits comme je les ai entendu raconter : relation qui se