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et le chef de bataillon Gédéon arrivant, ensuite au Pont-Rouge où ils croyaient trouver leur troupe, n’y virent que ces généraux et les soldats de la 15e et de la 16e : ils furent arrêtés comme prisonniers. On les engagea à prendre parti avec les insurgés ; mais ils répondirent avec beaucoup d’énergie, qu’ils voulaient voir le général Pétion avant de se décider. On les fît conduire auprès de ce général qui les accueillit comme des camarades d’armes envers lesquels il fallait user de persuasion. Pétion leur démontra la pénible nécessité qui l’avait porté lui-même à se joindre à l’armée du Sud, en les engageant à suivre le même parti. Thomas Jean hésita, et dut être consigné au bureau de la place ; mais Gédéon ayant adhéré fermement aux motifs donnés par Pétion, fut placé à la tête de la 3e dont il fut considéré dès lors comme le colonel. Pétion laissa naturellement ses armes à ce corps qui s’était rangé avant son chef au parti de l’insurrection.

Gédéon était alors, comme depuis, d’une assez forte corpulence ; il était vêtu d’un pantalon rouge et portait un bonnet à poil. Il déclara que Dessalines lui avait dit qu’il voulait l’apercevoir debout, au milieu de la 3e, sur le Pont-Rouge, quand il arriverait sur la grande route. On saisit cette idée ; on pria Gédéon de se déshabiller pour donner tout son uniforme à un officier de la 21e qui était de même taille et de même corpulence que lui ; ce à quoi il consentit. Cet officier fut donc placé sur le Pont-Rouge, au milieu d’un bataillon de la 15e.

À minuit, des cultivateurs du Cul-de-Sac vinrent auprès des chefs supérieurs, en députation au nom de toute cette population de la plaine qui gémissait sous un travail forcé, par les verges et le bâton, demander la mort de Dessalines et de Germain Frère, afin de jouir de la liberté.