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le gênait dans le Nord, de Capois qui eût pu être un obstacle à ses vues.

À son passage à Saint-Mare, l’empereur ordonna au bataillon de la 4e de le suivre. Sur la route de cette ville à l’Arcahaie, il fit rencontre du chef d’escadron Delpech, son aide de camp, qui venait du Petit-Goave où il avait sa famille : y ayant appris les événemens du Sud, il s’était empressé de partir pour se rendre à son poste. Delpech crut remplir son devoir en lui disant, qu’il l’engageait à n’entrer au Port-au-Prince qu’à la tête d’une armée. Mais Dessalines, furieux, le qualifia de traître, en le chassant et lui ordonnant de ne plus se présenter devant lui[1].

Delpech était cet officier qui commandait au Petit-Goave sous les Français, lorsque Lamarre l’en chassa : envoyé en France par Rochambeau, il était revenu en Haïti en juin 1804[2], et Dessalines l’avait employé à son état-major. Le conseil qu’il donnait à l’empereur était donc un acte de reconnaissance envers celui qui avait généreusement oublié ses torts en 1802 et 1803 ; car il avait vu la situation des choses, du Petit-Goave au Port-au-Prince. Delpech continua jusqu’à Saint-Marc où il changea de cheval, et repartit de suite pour rejoindre son chef, malgré l’offense qu’il venait d’essuyer ; mais ayant rencontré le bataillon de la 4e sous les ordres du colonel Jean-Louis Longueval, il fut assassiné sur cette route,

  1. L’Hist. d’Haïti, t. 3 ; p. 312, prétend que Delpech avait été envoyé en mission par l’empereur pour s’assurer de l’importance de la révolte du Sud. S’il en avait été ainsi, il l’eût écoulé au lieu de le chasser de sa présence. Elle dit encore que Delpech quitta le Petit-Goave au moment de l’entrevue de Gérin avec Yayou : ni ces généraux, ni Pétion ne l’eussent laissé retourner sur ses pas.
  2. Mémoires de B. Tonnerre, édités par M. Saint-Rémy, p. 23, dans une note de l’auteur.